« Les particules ultrafines, un danger sous-estimé »

Portrait de Jean-Marc Lo-Guidice

Jean-Marc Lo Guidice dirige l’unité Impact de l’environnement chimique sur la santé humaine (Univ. Lille).

Pourquoi les particules ultrafines sont dangereuses ?

D’abord parce que, compte tenu de leur taille − inférieure à un dixième de micron −, ce sont celles qui pénètrent le plus profondément dans les voies respiratoires. Dans les poumons, un peu comme les branches d’un arbre, les bronches se ramifient en structures de plus en plus étroites, les bronchioles. Cette ramification arrête les particules les plus grosses, qui sont évacuées par un processus appelé « l’escalator mucociliaire ». La majorité des particules ultrafines, en revanche, parviennent aux extrémités des bronchioles, dans les alvéoles où s’effectuent les échanges gazeux entre l’air extérieur et le sang. Là, il n’y a plus d’ « escalator ». L’évacuation des particules est plus longue et fait intervenir des cellules appelées macrophages, qui les phagocytent. Mais du fait de leur plus petite taille et de leur plus grand nombre, les particules ultrafines ne sont pas phagocytées efficacement. Elles peuvent donc séjourner plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans les poumons. Cela multiplie le risque de dommages aux cellules et favorise leur passage dans la circulation sanguine, et la colonisation d’autres organes vitaux. D’où une toxicité plus importante et un risque accru de nombreuses maladies, non seulement respiratoires comme l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), mais également cardio-vasculaires, digestives, métaboliques, neurologiques, etc.

Par quels mécanismes agissent-elles sur la santé ?

Du fait de leur composition chimique, les particules génèrent, plus ou moins directement, des substances très actives, les espèces réactives de l’oxygène (ERO). Celles-ci entraînent généralement un stress oxydant c’est-à-dire un excès de composés oxydants dans les cellules, d’où des dommages possibles sur l’ADN, les lipides et les protéines. Le stress oxydant contribue aussi au déclenchement et au maintien d’une inflammation, processus qui vise à détecter puis éliminer les substances étrangères à l’organisme. Mais l’inflammation génère aussi de grandes quantités d’ERO, ce qui a tendance à renforcer le stress oxydant : les deux phénomènes s’auto-entretiennent. Si l’exposition à la pollution est quotidienne, l’inflammation peut devenir chronique, et favoriser, au niveau pulmonaire, une altération des tissus et de la fonction respiratoire.

Et les cancers ?

Ils seraient principalement favorisés par la présence sur les particules de composants chimiques cancérogènes, comme par exemple certains métaux lourds ou résidus de combustion de matières organiques. Au niveau des cellules, ces éléments peuvent directement ou indirectement générer des composés très réactifs capables de causer des dommages à l’ADN. Cela induit des mutations qui peuvent être la première étape d'un processus de cancérisation.

Au niveau médical, que faire contre cette pollution ?

Notre équipe a pour objectifs scientifiques d’identifier les mécanismes de toxicité des polluants présents dans l‘air que nous respirons, mais aussi d’expliquer les inégalités des individus vis-à-vis de ces substances, de mieux connaître les niveaux de risque et, par conséquent, de mieux prévoir et mieux prévenir l’impact de cet environnement sur la santé.