Comment concilier sport au plus haut niveau, avec des études parmi les plus prenantes qui soient ?
C’est une compétitrice hors pair qui se pose beaucoup de questions. Chaque jour, Victorine Van Kemmel a la même équation à résoudre : parvenir à l’équilibre entre deux passions qui la voudraient pour elles toutes seules. Attaquante dans l’équipe de France de hockey, la Lilloise est également étudiante en 4ᵉ année de médecine.
Avec deux parents hockeyeurs de haut niveau, l’hérédité ne lui laissait pas vraiment le choix. Dès six ans, elle se saisit de la crosse. En seconde, elle décroche un an d’internat dans la ville anglaise de Canterbury. Le club local remarque vite sa technique et la fait jouer contre des garçons plus âgés qu’elle. À son retour en France, moins intéressée par ses études, elle se passionne pour le hockey et participe aux coupes d’Europe des moins de 18 et des moins de 21 ans.
Arrive le moment d’emboîter le pas à une autre hérédité, les sept générations de médecins qui l’ont précédée. C’est l’heure de la fameuse première année commune aux études de santé (Paces). Et là, pas question de faire les choses à moitié. « Regarde-bien ce maillot, se dit-elle lors de sa dernière compétition en équipe de France junior, c’est la dernière fois que tu le portes avant longtemps ». Pas facile, car son club de toujours, dont elle est un élément important, vient de rétrograder en 2ᵉ division. Pour couper court à d’éventuelles pressions, elle opte pour la manière forte : elle ne prend pas de licence cette année-là.
C’est un peu un crève-cœur. « Je voyais mes copines accéder à l’équipe de France senior, faire des tournées à Barcelone ou en Uruguay. Et moi, j’étais toujours le nez dans mes bouquins. » Mais elle résiste, notamment aux appels à lever le pied à l’annonce d’un bon classement à mi-parcours. Son grand frère, brillant lauréat quelques années plus tôt, veille au grain. « On se découvre, en Paces. Je n’aurais jamais cru que je pourrais étudier autant ! »
Elle réussit le concours, avec des « fourmis dans les jambes » mais plus vraiment de repères sur son avenir de hockeyeuse. C’est alors qu’un coup de fil, l’été, la remet en selle : c’est celui de l’entraîneur de l’équipe de France. Il a besoin d’une joueuse le lendemain pour affronter les Néerlandaises, championnes olympiques en titre. Sa première sélection en équipe senior ! Euphorique, elle se réengage à fond dans le hockey.
Son statut de sportive de haut niveau lui permet d’aménager ses études. Chaque année, elle rencontre le vice-doyen de la faculté pour analyser avec lui ses projets et le fragile équilibre hockey-médecine. Il l’autorise ainsi à dédoubler sa 2ᵉ année pour jouer dans un club anglais, en finissant les cours par correspondance. Un aménagement qu’elle envisage de réitérer bientôt, peut-être pour tâter du très relevé championnat belge.
Pour progresser, il lui est en effet plus facile de se donner de nouvelles difficultés, que de toucher à son planning. « Un ami triathlète me disait qu’il arrivait très bien à caser ses entraînements dans son emploi du temps. Mais le hockey est un sport collectif : même si je suis en stage dans un hôpital à 30 kilomètres de là, je dois être présente à mes trois entraînements de soirée dans mon club. » Sans compter les cinq séances de physio hebdomadaires…
« Oui, il faut beaucoup de rigueur dans l’organisation. Mais attention, je n’ai pas une vie robotisée ! » s’amuse-t-elle, évoquant ses 3e mi-temps. « J’ai besoin de faire les deux, explique-t-elle, de côtoyer au hockey des gens que je n’aurais probablement jamais eu l’occasion de croiser en médecine, et vice-versa. »
Aux camarades qui s’étonnent de voir une jeune femme pratiquer un sport athlétique, elle rétorque : « Le hockey est un sport fair-play, créatif et élégant : je ne vois pas en quoi ce ne serait pas féminin ! » Simple comme le football, sans heurts contrairement à son cousin sur glace, il est, selon elle, l’occasion de superbes coups, du shoot revers avec la tranche de la crosse aux dribbles en 3D qui donnent le tournis aux défenseurs, en passant par « les buts ! » sourit la co-meilleure buteuse du championnat de France.
Aujourd’hui, le hockey sur gazon reste un sport plutôt confidentiel en France. Mais l’exemple du handball et du volley, revenus sur le devant de la scène en une vingtaine d’années, montre bien que ce n’est pas une fatalité. La fédération française de hockey l’a bien compris et met actuellement les bouchées doubles pour amener filles et garçons au plus haut niveau mondial. L’objectif : les JO 2024. Un bon tournoi olympique, et l’image du hockey pourrait changer…
Une porte s’entrouvre et Victorine Van Kemmel, infatigable VRP de son sport, est bien décidée à s’y engouffrer. D’ici là, il faudra passer le redoutable examen classant national, qui décidera de sa spécialité médicale future. Le métier d’une vie, face à l’espoir d’une vie ? Elle est bien décidée à ne pas choisir. En attendant, elle va goûter cet été à l’un des grands pays du hockey, l’Australie, combinant − grâce à la faculté − entraînements dans un club local et stage dans un hôpital.
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