Tori Lhomme est doctorante dans l’équipe de Vincent Prévot du laboratoire Lille neurosciences & cognition (Lilncog[1]).
Comment le cerveau régule-t-il la satiété ?
Par plusieurs mécanismes, notamment un que nous venons d’expliciter[2]. Nous nous sommes intéressés à une région du cerveau, le « noyau arqué de l’hypothalamus ». Elle contient des neurones qui produisent des hormones à effet coupefaim. Notre question était de comprendre comment ces neurones reçoivent l’information que le corps est rassasié.
Qu’avez-vous découvert ?
Que l’information passait probablement par des cellules spécialisées, appelées tanycytes. Elles sont des sortes de « gardes-barrières » entre le cerveau d’une part, et le sang ainsi que le liquide céphalo-rachidien d’autre part. Quand nous nous nourrissons, le taux du glucose augmente dans ces derniers. Nos résultats suggèrent que les tanycytes convertissent ce glucose en une substance, le lactate. Grâce à un réseau de connexions, elles le transmettent aux neurones que j’évoquais plus haut. S’il y a suffisamment de glucose, alors la quantité de lactate produite déclenchera l’activité des neurones. Ces derniers enverront le signal que le corps est rassasié.
Pour cela, vous avez mis au point une manipulation expérimentale inédite. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’une variante d’une technique classique en neurobiologie, le patch clamp. Elle vise à enregistrer l’activité électrique d’un unique neurone, sur des tranches de cerveau maintenues en survie. On doit placer en contact avec lui une micro-pipette contenant une solution, tout en injectant des substances pharmacologiques.
Cette manipulation est en elle-même très délicate. Mais pour ma thèse, j’avais à faire plus difficile encore : enregistrer à la fois l’activité d’un neurone et d’un tanycyte, séparés d’à peine 50 à 200 microns. Il m’a fallu environ deux mois d’expérimentations, mais à la fin j’ai réussi !
[1] (Univ. Lille / Inserm)