Doctorante en urbanisme, Aneth Hembert allie réflexion et engagement pour construire le monde d’après.
Elle en convient : l’intérêt pour la transition écologique l’a cueillie très tôt, quand, jeune adolescente dans le Douaisis, elle se met à décortiquer les méthodes des boulangeries pour réduire leurs déchets. L’implication dans des collectifs débute en suivant des amies aux scouts, et ne s’est depuis jamais démentie. Mais rapidement, elle en veut plus. « L’engagement associatif, c’est très bien pour tester des choses concrètement, mais je voulais aussi prendre du recul ». Après le bac, elle opte donc pour la sociologie, et découvre à l’Université de Lille des enseignements qui la marquent, comme l’anthropologie de l’environnement ou la sociologie de la consommation.
Pour autant, le virus associatif n’est jamais très loin. « Adopte un poireau ! », lit la nouvelle étudiante, interloquée, sur une affiche placardée à l’université. Suit un numéro de téléphone où il est question de circuits courts. Comme elle vient justement d’aider une maraîchère des Alpes à faire fonctionner le sien pendant l’été, elle appelle. C’est le début de l’aventure de Coup d’Pousse, association qui permet aujourd’hui aux étudiantes et étudiants du campus Cité scientifique de s’approvisionner en légumes bio auprès d’un jeune agriculteur du Douaisis.
S’ensuit une vaste initiative commune des associations étudiantes lilloises impliquées dans le développement durable, « Campus en transition » inspirée par un mouvement lancé par le Britannique Rob Hopkins. En découlera quelques actions-phares comme l’œuvre réalisée par l’artiste Marie-Laure Bruneau à partir de déchets plastiques des restaurants universitaires, qui en souligne l’énorme volume quotidien. Mais aussi la structuration de ce collectif, aiguillon de l’université dans la mise en place de sa démarche de développement durable. « Aneth nous poussait toujours à aller plus loin, raconte sa camarade Estelle Rose, à développer un projet réellement ambitieux. »
Entre-temps, l’étudiante a assouvi son vieux rêve de lycéenne : partir en Erasmus en Espagne, une expérience « vraiment géniale » qui lui permet aussi d’améliorer sa méthode de travail : « un cursus dans une autre langue oblige à avoir une lecture beaucoup plus analytique des textes. ». Revenue en France, elle souhaite « se donner un périmètre » et choisit l’urbanisme pour son master.
Pour son stage, en 1ʳᵉ année, elle s’envole pour Hanoï. Culture, pollution, gastronomie : le dépaysement est total. Les différences avec la France s’expriment aussi plus subtilement dans le « marketing » des projets urbains, comme elle va le montrer dans son travail : alors que la végétation est souvent le parent pauvre en France, ajoutée à la fin après les bâtiments, c’est le contraire au Viêt Nam, en lien avec un rapport très spirituel à la nature.
En 2ᵉ année, c’est au sein d’une équipe franco-palestinienne d’étudiantes et étudiants qu’elle explore les destins croisés de Lille et Naplouse, en Cisjordanie, à l’heure de l’économie circulaire, chacune des villes faisant face à la question du réemploi / réutilisation / recyclage de vestiges emblématiques de son histoire : l’ancienne mecque de la métallurgie qu’était l’usine de Fives-Cail dans le Nord d’un côté, et de l’autre le riche passé romain, islamique et ottoman de Naplouse, dans la perspective d’une éventuelle inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.
« À la fin de mes études, j’avais envie de travailler dans une ONG. » Elle postule donc à Zero Waste France, qui lui propose un défi : faire de leur déménagement prochain un cas d’école du zéro déchet. « Il fallait meubler et équiper entièrement les nouveaux locaux, y compris en appareils audiovisuels, avec du don et de l’occasion, sans rien sacrifier sur la qualité et le caractère accueillant de ce tiers-lieu qui mêle café, boutique et salle de conférence. » Faute de filières de réemploi pour les professionnels, « encore embryonnaires », Aneth Hembert téléphone un peu partout, visitant chantiers et ressourceries à la recherche d’éléments réemployables, tout en mobilisant une association de réinsertion pour adapter et transformer ce qui doit l’être. Elle en ressort galvanisée par l’énergie collective qui anime l’association, au cœur d’un savant mariage de profils spécialisés qui concourent tous à « élaborer des stratégies réellement durables » pour préparer le monde de demain.
Mais à l’issue de cette expérience parisienne, Aneth Hembert veut reprendre le temps de lire et de comprendre : elle s’inscrit en thèse à Lille. « L’idée pour moi, c’est de monter en compétence pour me positionner en professionnelle des questions climatiques. ». Son sujet aborde de front la transition climatique, dont bien des enjeux se situent au niveau local. Il s’agit de comprendre comment les actions des collectivités s’articulent à différentes échelles, à travers leurs documents de planification. Au stade des entretiens exploratoires, elle prépare « ses terrains », sans pour autant mettre complètement en sommeil ses engagements − « il y a toujours un projet ou deux qui se glissent dans les interstices ! ».