Le physicien Christos Vassilicos vient de quitter l’Imperial College à Londres, où il dirigeait un important groupe de recherche pour rejoindre le laboratoire de mécanique des fluides de Lille - Kampé de Fériet (LMFL¹). « Avec le Brexit, j’ai senti que la recherche fondamentale dans mon domaine allait devenir plus difficile, explique-t-il. Or je suis convaincu qu’il faut faire les deux : de la recherche appliquée pour aborder un problème dans sa globalité, et le fondamental pour comprendre. La France et le CNRS m’offrent cette liberté. » Son domaine, c’est la turbulence, qui est partout, des océans aux prévisions météos. « Imaginez une armée de petits soldats qui avancent. Il suffit que l’un vacille, tombe sur un camarade et tout dégringole. C’est la turbulence. Vous comprenez bien que ça ralentit fortement la marche de la troupe. » Ces ralentissements, ces pertes d’énergie sont la plaie des industriels, quand ils mélangent de grandes quantités de liquides ou tentent de diminuer la traînée derrière les avions. « Le design des avions n’a pratiquement pas changé depuis cinquante ans : un long tube, avec les ailes. Pourquoi ? Parce qu’on sait juste que celui-là marche, sans en comprendre les raisons profondes et détaillées. »
Les industriels paient parfois très cher pour des codes de simulation empiriques qui ne fonctionnent que dans des cas très particuliers. « C’est pourquoi toute innovation dans ce domaine demande énormément d’expériences et de calculs informatiques longs et incertains. Notre travail consiste à rendre ces derniers beaucoup plus rapides et fiables, en y réinjectant de la physique nouvelle. » C’est ce que Christos Vassilicos faisait depuis de nombreuses années à Londres, notamment en découvrant de nouvelles lois fondamentales, en déposant des brevets et en travaillant avec les industriels, et va poursuivre désormais à Lille. « Sur le campus, il y a une des plus longues souffleries d’Europe, à laquelle nous avons largement accès. C’est précieux, car on peut avancer très vite. » Ça tombe bien : son projet, soutenu par l’I-Site ULNE, la région et la métropole européenne de Lille, est précisément d’accélérer ces recherches.
¹ (Univ. Lille/CNRS/Centrale Lille/Arts et métiers/Onera)