Elles viennent d'être fabriquées à Lille. Elles, ce sont des nano-pinces en silicium larges de quelques dizaines de microns, permettant de saisir, comprimer, mesurer des cellules, de l'ADN ou certains virus. Le principe ? D'abord attirer et piéger l'élément biologique à analyser, par exemple de l'ADN, en faisant passer un champ électrique entre les deux pointes de la pince. Puis ouvrir ou fermer les pinces, pour étirer ou au contraire comprimer l'ADN et ainsi en mesurer la rigidité, l'élasticité, etc.
La fabrication de ces pinces à Lille va permettre de nouvelles applications contre le cancer. Par exemple, les chercheurs ont l'habitude de repérer des cellules de manière biochimique, par exemple en envoyant des molécules repérer des « marqueurs » particuliers sur leurs membranes. Mais ce n'est pas toujours possible. Reste une autre possibilité, celle d'étudier leurs propriétés mécaniques : par exemple, une cellule cancéreuse est en général plus souple qu'une cellule normale.
Mais jusqu'ici, la plupart des systèmes ne pouvaient analyser que des cellules fixées à un substrat, pas celles qui circulent dans le sang et propagent les cancers. Ou alors ils le faisaient de manière imprécise. Le système en train d'être étudié à Lille « pompe » une à une chaque cellule dans un canal miniature pour la diriger vers les pinces. Celles-ci l'immobilisent et l'analysent. À terme, le système devrait permettre d'identifier et de compter automatiquement les différents types de cellules présents dans le sang. Un enjeu de taille, car savoir en quelle quantité elles circulent peut permettre de diagnostiquer très tôt la présence et le développement d'un cancer, par exemple.
Une collaboration franco-japonaise
Ce sont les chercheurs et ingénieurs d'un laboratoire commun¹ du CNRS avec l'université de Tokyo qui ont mis au point les nano-pinces au Japon à la fin des années 2000. Des équipes lilloises travaillant sur le cancer commencent à s'y intéresser. Cela aboutit à une première collaboration dès 2012 entre 4 partenaires, le centre Oscar Lambret, le CNRS et les universités de Lille et Tokyo, pour analyser précisément comment l'ADN se fragilise quand il est soumis aux radiothérapies.
« Nos collègues japonais souhaitaient aller plus loin dans ces applications biomédicales et passer à la recherche clinique, sur les patients, explique l'un des membres du laboratoire franco-japonais, Dominique Collard. Or les équipes hospitalo-universitaires lilloises sont très bien organisées pour cela. » Les 4 partenaires ouvrent donc une sorte d'antenne du laboratoire franco-japonais à Lille, un « site miroir »² accueillant des équipes des deux pays et situé à l'institut pour la recherche sur le cancer (IRCL). Mais pour pouvoir faire des ajustements rapides, il fallait que les nano-pinces soient fabriquées sur place. D'où ce transfert de technologie, qui va bénéficier de la centrale de fabrication de l'institut d'électronique de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN³), spécialiste des dispositifs de ce type.
³ (Univ. Lille/CNRS/Centrale Lille/UPHF/ICL/Yncrea HdF)